il pleut
il pleut
ça fait bien une heure qu'il pleut
rentrons à la maison, ranimer le feu
il pleut
déjà plus de trois jours qu'il pleut
laissons les hommes se battre entre eux
qu'est-ce qu'on y peut ?
on ne passe plus le Brune à gué
passons par le pont du calvaire
c'est pas la peine d'épiloguer
l'hiver, c'est l'hiver
il pleut
déjà quarante jours qu'il pleut
le vieux si bavard d'ordinaire reste silencieux
il pleut
déjà plus de trois mois qu'il pleut
personne ne se rappelle plus qu'un jour le ciel fut bleu
et il nous faut écoper
l'eau qui monte de la rivière
c'est pas la peine de mégoter
l'hiver, c'est l'hiver
il pleut
avec un vent à décorner les bœufs
restons près du feu, les yeux dans les yeux
il vente
dis moi donc ce qui te hante
ce qui t'épouvante, te fait te sentir vivante
le pont du calvaire s'est disloqué
de son lit est sorti la rivière
c'est pas la peine d'ergoter
l'hiver, c'est l'hiver
il neige
heureusement le feu nous protège
en attendant que le pain lève et que remonte la sève
il gèle
et tout nous tombe dessus pêle-mêle
sur nous qui sommes nés à l'ère de la crise éternelle
à peine déjà bagué
on vend des fusils pour tuer la misère
c'est pas la peine de barguigner
l'hiver, c'est l'hiver
il pleut
déjà deux-mille ans qu'il pleut
on va pas se cailler le sang, se faire des cheveux
il pleut
depuis si longtemps que je suis vieux
et c'est l'eau de son cœur qui déborde de ses yeux
du monde nous sommes comme relégués
il nous reste à faire nos prières
c'est pas la peine de tout déballer
l'hiver,
c'est l'hiver